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Dans les entreprises plus féminisées, les conflits sur les salaires sont moins efficaces

Alors que les négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les rémunérations se poursuivent dans les entreprises pour 2024, le ralentissement de l’inflation devrait amoindrir les enveloppes d’augmentation prévues dans les accords qui parviennent à être conclus. Or, les niveaux de salaires restent l’un des tout premiers motifs de conflictualité au travail, qu’il s’agisse de mobilisations collectives (débrayages, grèves prolongées) ou de litiges individuels.
Quels sont les résultats de cette conflictualité ? C’est ce qu’a souhaité ausculter une étude du sociologue Maxime Lescurieux, publiée en février par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail. Sans conclure à un lien de causalité qui ferait de ces pics de tension le seul facteur d’explication des augmentations de salaire, l’auteur relève plutôt une « corrélation significative » positive entre la présence de conflits, l’ouverture de négociations et les augmentations : entre 2014 et 2019, la rémunération brute moyenne horaire augmente plus vite dans les entreprises les plus conflictuelles que dans les moins conflictuelles.
Le document fournit des variables complémentaires d’analyse, tels le secteur d’activité, la taille de l’entreprise, la catégorie socioprofessionnelle et, plus originale, la prédominance d’hommes ou de femmes dans l’entreprise.
Contrairement sans doute à une idée reçue, il n’y a pas de différence marquée entre les deux genres dans la propension à entrer durablement en conflit. En revanche, l’impact des conflits portant sur les rémunérations est moindre et moins visible dans les entreprises où les femmes sont majoritaires. Ce lien entre conflictualité et rémunération, pointé de manière positive dans les établissements où les hommes sont majoritaires, s’avère même pénalisant en cas de conflits collectifs plus courts et perlés parmi des effectifs plus féminisés.
Première clé d’explication, selon Maxime Lescurieux, l’auteur de l’étude : dans les entreprises avec plus d’hommes, par exemple dans l’industrie ou les transports, « davantage de négociations collectives menées portent sur le thème des salaires », soit 87 %, contre seulement 80 % dans les entreprises où les femmes sont majoritaires. Dans les entreprises masculines, ces négociations portent plus souvent sur la part des augmentations individuelles, ce qui joue également sur la distribution des salaires entre les deux genres.
Cette différence s’explique aussi par l’habitude à mobiliser et à négocier : l’historique et l’architecture plus fragile de l’implantation syndicale dans les secteurs avec plus de salariées comme le commerce, les services et, dans une moindre mesure, l’action sociale, par exemple, sont des facteurs à prendre en compte. « Dans les établissements à dominance masculine, il peut y avoir une tradition de lutte et un rapport de force plus ancien qui facilite la création d’une dynamique de mobilisation, laquelle exige des moyens, des soutiens et de la communication pour se maintenir », souligne Eve Meuret-Campfort, sociologue au CNRS.
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